Flattée de l'entendre parler de leur écart d'âge comme si ce n'était rien, elle lui sourit. Ils ont, si elle se souvient bien, six ans d'écart. Il poursuit, lui faisant des compliments qui cette fois la font rougir pour de bon. « J'espère ne pas te décevoir sur ce point à l'avenir alors et rester une lumière ! » Elle pouffe à sa propre plaisanterie. Elle espère quand même qu'il ne fait pas de compliments forcés, pour paraître bien aux yeux de sa belle-sœur, histoire qu'elle n'aille pas répéter à son mari ce qu'il a dit. Mais Lou se doute qu'il n'est pas comme ça. Han Bin est le coréen le plus vrai qu'elle ait rencontré depuis son arrivée. Son cœur continue de palpiter ardemment. Cela lui a donc tant manqué que cela de recevoir des compliments ? Elle n'a pourtant besoin de personne pour savoir ce qu'elle vaut ! Cependant...ce genre de petites attentions égayent toujours lorsqu'elles sont faites avec sincérité.

Han Bin propose une exposition sur Victor Hugo, Lou ne se voit absolument par refuser. Et pour ne pas sourire bêtement, elle invite à la conversation concernant l'organisation de cet événement, expliquant que de son côté, les anglais ne savent pas mettre en avant autre chose que Shakespeare. La remarque de Han Bin concernant cet auteur ne tombe pas dans l'oreille d'une sourde. Elle sourit de nouveau. Elle se renseignera sur l'évènement. Probablement qu'ils organisent une pièce de théâtre pour l'occasion. Finalement, Shakespeare pourrait devenir moins barbant. Il avoue beaucoup chercher ces sorties culturelles. Lou apprécie ce côté de sa personnalité. Il est vraiment ouvert au monde. Elle se surprend à observer Han Bin et finit par plonger vers le verre de thé glacé pour se donner de la contenance.

Lorsque le visage de ce dernier se retrouve en face du sien, le souffle lui manque et elle manque de s'étouffer. Ce regard...Mais elle parvient à se reprendre avant de virer à l'écrevisse asphyxiée. Le fait-il exprès ? De la troubler à ce point ? Ou fait-il semblant pour donner le change à ces jeunes femmes qui l'observent de loin ? Elle n'a pas manqué d'entendre le gloussement surexcitée et jaloux d'une table non loin alors qu'ils se sont mis à boire dans le même verre. Han Bin est cruellement séduisant. Cruellement pour Lou qui ne peut se permettre de trop se prendre au jeu, même si au final, elle le fait quand même. Lorsqu'ils se redressent, Han Bin les ramènent à la réalité. Presque trop brutalement. Moon Bin revient sur le plateau. Lou regarde par la baie vitrée qui donne sur le patio ensoleillé. « Il ne l'a pas encore vu. Il était déjà parti au travail quand les livreurs sont arrivés. Il m'a à peine demandé comment s'était passé la soirée. » Le goujat ne s'était pas senti une seule fois désolé de lui avoir posé un lapin. Mais la jeune femme n'avait pas envie de ruminer. Un voile de tristesse recouvre ses prunelles avant qu'elle ne songe à se reprendre. Le regard de Lou revient vers Han Bin, essayant de sourire naturellement. Lui a été adorable et l'est toujours. « Je te mettrais au courant quand il l'aura vu si tu veux. »

Finalement, parler de Moon Bin a fait retomber son trouble envahissant vis à vis de Han Bin. La douceur du moment est quelque peu atténuée par l'ombre planante du devoir de l'un et de l'autre vis à vis de cet homme. Puis arrivent leurs menus. La serveuse repart sous leurs remerciements. Lou demande : « Vous avez l'air assez proches avec Moon Bin. Il prend bien soin de toi ? » La question lui permet indirectement de faire parler Han Bin de lui. Moon Bin a toujours dit le plus grand bien de son petit frère et s'est toujours montré très protecteur vis à vis de lui.

Il l’observe regarder vers le patio, ce voile de tristesse revenant à chaque fois qu’il essaie de parler de son frère pour les remettre dans le droit chemin. Et puis, il se souvient. La première fois qu’il avait entendu parler des fiançailles, il avait trouvé « la fille » stupide d’avoir envie de ça en sachant qu’elle était anglaise. Au mariage, Lou rayonnait, mais là encore, il la voyait comme une koreaboo juste heureuse dans son fantasme et qui, un jour ou l’autre, se réveillerait. Et maintenant qu’il la voit malheureuse, il s’en veut d’avoir pensé ça. Il aurait aimé que ça se passe mieux pour elle. Pour eux. Mais Moonbin est le genre de coréen typique à vrai dire. Le travail, la famille, puis la femme. Et Hanie ne peut s’empêcher de penser que son hyung passe à côté du meilleur dans sa vie en ne la mettant pas à la première place. Elle semble si intéressante et… magnifique, dans tous les sens. « Il ne l'a pas encore vu. Il était déjà parti au travail quand les livreurs sont arrivés. Il m'a à peine demandé comment s'était passé la soirée. » Lorsqu’elle le regarde à nouveau, il sourit aussi pour lui offrir un peu de chaleur. « Je te mettrais au courant quand il l'aura vu si tu veux. » « Hn... »

Il sait qu’il a plombé l’ambiance en parlant de lui et s’en veut un peu. Buvant à nouveau, il commence à manger, puis se pose contre son dossier, tel un petit prince, jambes croisés, bras posés sur son corps longilignes, il l’observe. « Vous avez l'air assez proches avec Moon Bin. Il prend bien soin de toi ? » Et étonnamment, il semble perplexe vis à vis de cette question à vrai dire. « Je crois... » son regard fixe le vide un moment. « Je crois qu’il savait à quel point on peut se sentir seul à vrai dire, dans notre famille avec des parents obnubilés par le travail et la réussite sociétale. Nana a toujours fait en sorte que l’on ait un bon lien tous les deux. Et j’étais un petit frère très en demande. » Il masse son coeur sans vraiment s’en rendre compte. « Je l’admirais, je voulais tout apprendre comme lui. Je pense que ça flattait son égo. Et qu’en même temps, être un bon hyung faisait de lui un homme attirant. Il aime être le preux chevalier. » Mangeant encore un peu, il repose ses baguettes finalement et semble y réfléchir encore un peu. « Maintenant... » laissant sa phrase en suspend, il se perd dans le regard de Louise. « Maintenant… Je crois qu’il essaie juste de me ramener dans le ‘bon chemin’. » Soupirant un peu, il baisse les yeux vers son assiette. « Ils ont longtemps cru que j’étais homosexuel parce que je ne parlais pas aux filles, que je n’en ramenais jamais à la maison, et que ça ne semblait pas m’intéresser. Alors, Moonbin avait pour tâche de m’emmener faire des trucs de « vrais mecs », » dit-il en ajoutant les guillemets avec ses mains. « Je ne suis juste pas comme eux, et ils commencent à me laisser un peu tranquille, » lance-t-il dans un sourire. « Au lieu de chercher à me présenter quelqu’un durant nos rendez-vous, il s’intéresse un peu plus à ce que je fais. » C’est un pas en avant au moins. « Mon dieu, j’ai l’impression de juste parler de moi… » Ouvrant grand ses yeux en s’en rendant compte, il sourit par gêne. « Tu m’as dit toi… que ce n’était pas l’idéal de ton côté. Qu’est ce qui te manque Lou… ? » Et il le demande pour savoir sincèrement, pas parce qu’il pense qu’elle exagère.

Il suffit pour Lou de regarder les traits délicats de Han Bin pour se radoucir. Il a vraiment un pouvoir sur elle. Pas que sur elle...Elle reprend la conversation, l'invitant à parler de lui pour s'éviter de penser. Elle croise doucement les bras sur le bord de la table, avant de finalement prendre les couverts pour commencer à manger, picorant tout en écoutant le futur architecte parler. L'entendre aborder le sentiment de solitude lui serre le cœur, alors c'est ainsi ? Lou est contente de savoir que Moon Bin a tenu à combler ce sentiment du mieux possible. Han Bin évoque sa gouvernante. Moon Bin en a déjà parlé à Lou, comme d'une femme douce, mais gâtant peut-être un peu trop son petit frère. Sûrement trop gentille à son sens.

Le geste de Han Bin porté à son cœur, ne passe pas inaperçu au regard de Louise. Il y a quelque chose qu'elle ne sait pas. Visiblement. Mais qu'elle a envie de savoir, soudain. Elle mastique sa salade en fronçant les sourcils, légèrement. A-t-elle le droit de demander ? Comment le peut-elle ? Il poursuit, décrit son frère comme un exemple, l'homme qui fait rêver. Elle ne peut s'empêcher de sourire d'une moue ironique. Elle a eu effectivement le droit au prince charmant, la première année, et puis, les habitudes coréennes de son mari avaient repris le dessus. Le travail d'abord, les collègues d'abord. Elle mène un train de vie luxueux mais il lui manque tout ce qui ne s'achète pas.

Entendre Han Bin exprimer son ressenti vis à vis du comportement actuel de son grand frère lui fait faire un moue compatissante. Elle se tait, même si elle a envie de lui dire le fond de sa pensée. Il continue. « Des trucs de mecs ? Oh non, en fait ne me dis, pas, je crois que c'est mieux. » Lou baisse les yeux avant de revenir plonger ses prunelles dans celles de Han Bin. Il explique que Moon Bin a changé de façon de l'aborder et quelque part cela la soulage, qu'il ait au moins compris ça. Avec un peu de chance, il recommencera à s'intéresser à ce qu'elle fait aussi. A ce qu'elle aime vraiment faire... Elle agite les mains pour dire non quand elle entend Han Bin s'excuser de ne parler que de lui.

« Pas du tout, je t'ai lancé tu sais, et je suis heureuse de savoir que tu as réussi à ne pas te plier à leurs désirs. » Un sourire tendre étire ses lèvres avant que sa bouche ne s'entrouvre sous la surprise. Mince, il a retenu ce qu'elle avait dit. Tout en étant flattée, elle est à présent embêtée de devoir s'expliquer. Elle laisse échapper un petit soupire en baissant les yeux sur son assiette. « J'ai honte de me plaindre tu sais. » Surtout auprès de lui. Mais elle a fait le choix d'être honnête avec lui. « Le Moon Bin que j'ai rencontré en Angleterre et qui m'a fait la cour me manque. Je ne pensais pas que le travail en Corée pouvait prendre autant de place dans la vie de quelqu'un. » Elle relève le regard vers lui. « J'ai accepté de quitter mon pays par amour, parce que je voulais créer un foyer avec l'homme que j'aime, parce que je pensais que c'était la plus belle chose à faire. » Maintenant, elle était seule à compenser avec les cours et ses quelques collègues sympathiques.

Enfin, c'était avant d'apprendre à connaître Han Bin. Mais elle craint de s'accrocher à lui, à cause de sa gentillesse débordante. Et puis, il va partir, à l'étranger, il est promis à un bel avenir. Il faut qu'elle pense positivement, pour ne pas sombrer. « Je vais finir par m'y habituer, après tout, ça ne fait pas si longtemps que ça que je suis ici, c'est normal d'avoir le mal du pays, et puis, ce n'est pas comme si je ne pouvais pas repartir voir mon père pendant les vacances scolaires... » Elle serre fort ses baguettes, à s'en faire blanchir les jointures. Elle tâche de ne pas pleurer. Penser à son père la secoue. Ils s'appellent souvent, mais rien n'enlève le poids de la distance imposée par ces milliers de kilomètres. Elle essaie de se reprendre. « Haha, je ne veux plus parler de ça, je ne veux pas gâcher ce moment avec toi en ayant un coup de blues ! » Elle lui adresse un sourire douloureux, les yeux brillants.

« Des trucs de mecs ? Oh non, en fait ne me dis, pas, je crois que c'est mieux. » Il grimace un peu et s’en veut assez rapidement d’avoir abordé ça en parlant. C’est qu’avec elle, il a l’impression qu’il peut être authentique, parler sans avoir peur des conséquences. Et puis, il se remet en tête qu’il parle à la femme de son frère et que Moonbin lui a montré comment draguer des femmes sur le terrain, pas juste en lui expliquant. Il se sent vraiment débile en y songeant à vrai dire, de ne pas avoir pensé à ce que Louise pouvait ressentir face à ça avant de parler. Son regard coupable se baisse un peu, et il fixe son plat en mangeant encore un peu avant de s’excuser quand même, de ne parler que de lui. « Pas du tout, je t'ai lancé tu sais, et je suis heureuse de savoir que tu as réussi à ne pas te plier à leurs désirs. » « Il faut essayer au moins. » Le prix, c’est d’être le vilain petit canard, mais tant pis. Il préfère ça. « J'ai honte de me plaindre tu sais. » « Lou... » Non, elle a le droit d’aller mal, ce n’est pas ce que les princesses disney expliquent après tout ? Qu’on peut vivre dans un palais doré, mais être malheureuse et que c’est légitime ? « Le Moon Bin que j'ai rencontré en Angleterre et qui m'a fait la cour me manque. Je ne pensais pas que le travail en Corée pouvait prendre autant de place dans la vie de quelqu'un. » « Hn... » Et il sait que son hyung est bon pour draguer. « J'ai accepté de quitter mon pays par amour, parce que je voulais créer un foyer avec l'homme que j'aime, parce que je pensais que c'était la plus belle chose à faire. » Pensait ?

Il continue de la regarder tendrement, avant de baisser un peu le regard. « Je vais finir par m'y habituer, après tout, ça ne fait pas si longtemps que ça que je suis ici, c'est normal d'avoir le mal du pays, et puis, ce n'est pas comme si je ne pouvais pas repartir voir mon père pendant les vacances scolaires... » Ses prunelles chocolat se posent alors sur les phalanges blanchies de la jeune femme qui serre si fort ses baguettes que ses jointures s’en retrouvent marquées. « Haha, je ne veux plus parler de ça, je ne veux pas gâcher ce moment avec toi en ayant un coup de blues ! » Il l’observe alors à nouveau, remarquant ses yeux brillants. Sa main avance, se dépose sur la sienne et il lui caresse doucement, afin de lui faire lâcher la pression. « It’s alright to cry you know ? You can be sad. » Vraiment, il veut vraiment qu’elle en prenne conscience. Retirant doucement sa main, il lui sourit encore un peu. « Mange hn ? On ira prendre le dessert ailleurs ! Ça sera bien, je te promets. » Il veut lui redonner le sourire, il en a vraiment envie.

Les repas avalés, la note payée, il lui prend alors la main et lui offre le plus beau des sourires. « Suis-moi ! Je sais que ce ne sera pas pareil, mais c’est tout ce que je peux faire ici ! » Il l’entraîne avec lui, entre dans un bus et reste debout contre elle, gardant le mystère durant quelques arrêts, sa main toujours dans la sienne. Il descend avec elle et l’entraîne à nouveau jusqu’à Seongdong-gu pour accéder au Daerim Warehouse. « C’est un ancien Moulin à riz qu’ils ont converti en café. Ils ont calqué son modèle sur le warehouse que l’on trouve à Manchester. » Il lui offre un beau sourire en entrant avec elle dans le café si atypique. « Il y a pleins de boutiques autour, des artisans, et aussi… A une dizaine de minutes à pieds, il y a une grande roue, ressemblant à celle de Londres. On pourra y aller. C’est pas l’angleterre mais… ça donne un goût d’ailleurs... » Sa seconde main tient celle de Lou qui était libre jusque là. « Tu aimes ? » Il sourit tendrement, espérant vraiment que le lieu et le quartier vont lui remonter le moral.   

Elle n’aurait pas cru en être capable. Tout dire comme ça, ça lui fait du bien autant que ça lui fait mal de réaliser que désormais, son amour pour Moon Bin n’est que source de déception. Son regard capte celui de Han Bin à plusieurs reprises, elle y voit la compassion, la compréhension. Cela l’encourage à poursuivre. Et puis, elle décide que c’est assez, elle a peur de s’effondrer maintenant. Mais la main de Han Bin se pose sur la sienne, chaleureuse. Le coeur de Lou se secoue. Les doigts du jeune homme caressent sa peau, puis ses mots, dans sa propre langue, ont raison de sa tenue. De grosses larmes dévalent les joues de Lou, mais elle ne bouge pas, sa main ne veut pas se séparer de celle de Han Bin. « Thank you…it means a lot. » Il finit par retirer sa main, elle en profite pour se jeter sur une serviette de table et tamponner ses yeux humides.

Elle ose à peine le regarder alors qu’il lui propose de terminer le repas ici et d’aller prendre le dessert ailleurs. Elle finit par lui sourire doucement, en hochant la tête. Elle ne s’inquiète pas des regards curieux devant cette scène. Elle finit par renouer la conversation avec des banalités, commentant les tableaux les plus proches jusqu’à la fin du repas. Puis, comme promis, s’occupe de l’addition. Elle laisse Han Bin prendre sa main s’apercevant que c’est un contact qu’elle apprécie, qu’elle se surprend à espérer, à attendre.

« Je te suis ! » Elle a laissé sa douleur derrière elle, dans son reflet de la baie vitrée. L’enthousiasme de Han Bin, sa main dans la sienne, tout cela lui fait oublier que quelques minutes avant, elle avait fondu en larmes. Elle est désormais on ne peut plus curieuse. Les mystères de son adorable compagnon lui redonne un vrai sourire. Elle n’hésite pas à partager cette proximité interdite et si grisante. Les secousses provoquées par la conduite du chauffeur la balance parfois contre le torse de Han Bin, lui arrachant des sourires amusés, un peu gênés. Mais elle se fiche de ses devoirs dès lors qu’elle croise les regards complices de Han Bin. Il ne lui a pas lâché la main.

De nouveau, il l'entraîne à travers les rues. Les yeux de Lou s’illuminent. Elle ne connaît pas cette zone de la ville, et puis, ils parviennent devant un endroit qui a l’air familier. Elle n’arrive pas à savoir pourquoi jusqu’à ce que Han Bin explique. Ils entrent dans le café. Lou est émue. Elle n’a pas les mots, mais ses doigts exercent une petite pression reconnaissante sur ceux de Han Bin. Il continue, évoque tout ce qu’ils peuvent faire. Elle se met à rire doucement. Son visage se tourne vers Han Bin lorsqu’il lui demande si elle aime, lui prenant son autre main dans la foulée. « Merci, tu es tellement adorable ! Je….ça me touche énormément. » Elle relâche alors ses mains pour glisser ses bras autour de sa taille, s’accordant quelques secondes d’étreinte.

Le nez contre l’épaule de Han Bin, si proche de son cou, elle se sent rougir à nouveau. Elle finit par s’écarter, reprenant sa main et l’entrainant à une table libre. Comme si de rien était, elle demande. « Qu’est-ce que tu me conseilles comme dessert ? » La gourmandise se lit sur son visage alors qu’elle survole la carte du regard.

Il sait que ce qu’il fait en ce moment va sceller un nouveau tournant de leur relation, mais il ne peut pas s’en empêcher. Il a envie de la voir heureuse. Surtout depuis qu’il a vu ces grosses larmes tomber de ses yeux. Personne n’a dû s’intéresser à ce qu’elle ressent ou vit depuis qu’elle est ici. Il connaît sa famille. Pour eux, elle doit être heureuse et reconnaissante. Point barre. Il le connaît trop bien ce sentiment de solitude intense et de ne pas avoir le droit de légitimer ses sentiments. Il ne veut pas faire cela avec elle. Alors, il lui dit qu’elle peut pleurer, qu’elle a le droit d’être triste, mais par-dessus tout, il l’emmène ailleurs. Il l’emmène dans un endroit à part, une de ces pépites que l’on ne peut pas vraiment connaître par hasard. Fébrile, il la regarde, demandant si ça lui va, si elle se sent mieux par la même occasion. « Merci, tu es tellement adorable ! Je….ça me touche énormément. » Et elle l’étreint.

Et son coeur manque un battement. Pourtant, ce n’est pas douloureux. Ce n’est pas comme lorsqu’il a une crise et qu’il a l’impression qu’il pourrait mourir. C’est autre chose. Un petit plus dans la vie qu’il n’a éprouvé qu’une ou deux fois, mais jamais aussi fort, même pas avec sa copine actuelle. Copine qu’il oublie bien trop souvent en ce moment. Althea va finir par le tuer si elle apprend cela. Tant pis, ça en vaut la peine. Lou ne lâche pas sa main et il la suit à une table, docile. Il s’installe à ses côtés sur une banquette, non face à elle. « Qu’est-ce que tu me conseilles comme dessert ? » « Le cheesecake... » qu’il lance alors, dans une voix douce, son regard vissé sur la main gauche de Louise, celle se trouvant près de lui puisqu’il se tient à sa gauche. Enfin, il regarde son visage qui semble avoir retrouvé un peu de bonheur. Et puis en fond, cette musique qui le prend dans les tripes. Un de ses films préférés. Il peut la reconnaître avec aisance. Sa main vient se poser sur celle de Lou et dans un geste tendre, mais assuré, il se saisit de son alliance et lui retire, ses prunelles fixées sur leurs mains. Il sent son être entier frémir à son propre geste. Il ne veut plus parler de Moonbin. Il ne veut plus qu’il se glisse entre eux lorsqu’ils sont ensemble. Il ne veut plus la voir pleurer à cause de son hyung. Il veut l’effacer pour au moins quelques heures. Exister à la place de… C’est ça qu’on appelle coup de foudre ?

Déglutissant, il récupère le bijou dans le creux de sa main sans oser la regarder au début avant de la glisser dans la poche que Lou possède sur sa chemise avec délicatesse. Son visage se tourne vers celui de la belle anglaise et il la toise un long moment, sa main venant tenir la sienne avec une infinie précaution. « Le cheesecake et le london fog en thé sont à tomber. Je prends toujours ça... » Souriant, il l’observe alors, espérant vraiment… qu’il n’a pas fait une connerie. Fondamentalement, oui. Il n’aurait jamais dû. Mais tant qu’elle reste à ses côtés et tient sa main, il peut tout assumer.
 

Elle essaie d'oublier à quel point elle a apprécié étreindre Han Bin, à quel point, elle s'était sentie bien contre lui. Comme si là était sa place. Elle tâche de retrouver maîtrise d'elle-même, l’entraîne à sa suite vers une table pour faire ce qu'ils ont prévus, prendre un dessert. Elle se laisse surprendre par le choix de la place du jeune homme, juste à ses côtés, pour qu'ils n'aient pas besoin de se lâcher la main, pas tout de suite. Mais elle a besoin de ses dix doigts pour tenir la carte. A contrecœur sa main se soustrait à la sienne. Et même si elle essaie très fort, elle ne parvient pas à se laisser totalement happer par le menu présentant pourtant d'incroyables pâtisseries. Finalement, puisque c'est Han Bin qui l'a guidée jusqu'ici, elle lui demande conseille.

Elle s'apprête à parler, pour lui répondre, mais le regard du beau brun se plonge dans le sien. Sa voix douce l'envoûte. Ce cheesecake a l'air redoutablement bon pour être vendu d'une voix si tentatrice. Et puis le charme du contact visuel se rompt pour devenir tout autre. Les mains de Han Bin s'emparent de la main gauche de Louise, celle de l'alliance, cette alliance qu'il retire doucement, presque sensuellement. Lou reste figée, perdue dans une multitude de sentiments contradictoires. Par ce geste, il semble lui dire à quel point elle compte pour lui, mais surtout, il semble vouloir retirer l'emprise de Moon Bin. Lou retient son souffle, l'observe. Il glisse l'anneau dans la petite pochette de sa chemisette.

Le poids du petit bout de métal semble peser une tonne, une tonne de culpabilité contre son sein. Mais finalement, perdue dans le regard tendre mais décidé de Han Bin, elle la laisse s'envoler. Ses doigts se referment de nouveau sur ceux du jeune homme. Elle est terrifiée, mais elle décide de se laisser guider par cette douce assurance qu'il dégage. Par ce désir de le connaître mieux, d'essayer de se plonger dans cette nouvelle aventure qu'il lui propose. Aussi attrayante que risquée. Un petit sourire incertain vient parachever le commun accord silencieux établit par leurs iris reliées avant que la discussion ne reprenne, aussi simplement que s'ils avaient toujours été en ces termes.

C'est avec le cœur battant à toute allure que Lou laisse son sourire s'élargir. « Je te fais confiance alors. » Autant pour la commande que pour ce qu'ils viennent de commencer. Elle sait qu'il comprendra l'allusion. Son regard se perd à nouveau dans ses yeux, puis sur ses lèvres. Elle sent son ventre se tordre. Le rythme cardiaque élevé et le rose aux joues, elle est presque soulagée de voir un serveur les interrompre. La commande passée, il n'y a plus qu'à contempler l'endroit. « J'ai toujours apprécié le mélange entre le côté industriel et le rustique... Je crois qu'en plus c'est typiquement new yorkais non ? Tu avais un appartement comment là-bas ? » Elle ne doute pas un seul instant que papa-maman lui ont payé un appartement luxueux, mais peut-être a-t-il refusé l'offre ?

Il commence à réaliser ce qu’il vient de faire. Est-ce qu’il le regrette ? Non. Mais il sait qu’il n’arrivera pas se contente de ça, de cette journée. Ça ne peut pas être unique, ce serait vraiment ça son regret. Et en même temps, quel genre d’homme immonde est-il pour s’éprendre de la femme de son frère hein ? Il sait qu’il ne devrait pas, vraiment pas, mais c’est plus fort que lui depuis cette soirée où il a appris à connaître Lou. Il n’avait jamais autant parlé avec quelques depuis longtemps, presque depuis toujours. Trouver autant de points communs, d’alchimie, pour lui, ça n’arrive qu’une fois dans une vie et il faut que ça tombe sur la demoiselle que son frère a épousé. Ironie du sort ? Sans doute…

Elle lui offre enfin un sourire et ça le soulage infiniment. Il lui sourit en retour, entrelace leurs doigts sans demander son reste.  « Je te fais confiance alors. » « Merci. » Oui, merci de lui faire confiance. On ne remercie jamais assez les personnes qui vous disent ce genre de phrase. Et pourtant, c’est un pas énorme dans une relation de faire confiance à l’autre. C’est devenu un geste si banal et éphémère de nos jours que lorsqu’on le fait avec sincérité, on le prend trop souvent pour un geste ordinaire. Ça ne l’est pas. Définitivement pas.

Il sent le regard de Lou sur ses lèvres et son ventre se tord délicieusement pour la première fois depuis longtemps… Déglutissant, il regarde le serveur qui les arrête et commande assez rapidement. « J'ai toujours apprécié le mélange entre le côté industriel et le rustique... Je crois qu'en plus c'est typiquement new yorkais non ? Tu avais un appartement comment là-bas ? » « Hn, le quartier a été construit, enfin non, reconstruit, plutôt en se calquant sur l’architecture type de Brooklyn. Il était à l’abandon avant. Mais depuis plusieurs années, de jeunes entrepreneurs ont décidé de le faire revivre et d’utiliser les entrepôts de façon brute, pour ne rien faire perdre du charme d’origine. » Son bras droit vient enlacer les épaules de l’anglaise pendant ses explications. Il croise ses jambes et tient encore ses doigts en les enlaçant à sa main gauche. Il la veut contre lui.

Tournant un peu la tête pour regarder le café, il se surprend à humer son odeur si douce, puis rougit en souriant, avant de la regarder encore dans un sourire tendre. « J’étais en colocation dans toutes les villes que j’ai faites. Je travaillais les 3/4 du temps. Du babysitting à Edimbourg, dans un magasin bio à Paris, et à NY, j’étais embauché durant mon stage. Ils étaient les premiers à me payer. Mes parents m’ont toujours donné de l’argent, mais j’aime me débrouiller par moi-même. C’est plus difficile depuis que je suis de nouveau ici. Ils veulent absolument que je me concentre sur mes études et me surveille trop pour que je trouve un petit job... » Un soupir las le prend puis, il la regarde encore et les commandes arrivent, le forçant à cesser son étreinte pour pouvoir la laisser manger correctement, et faire de même. « On prendra des scones à emporter aussi s’il vous plaît. » Elle sera sans doute contente d’en manger. Le serveur repart et il commence par le thé en poussant un soupir de contentement, une moustache de mousse de lait se posant au-dessus de sa lèvre supérieure.
 

L’atmosphère si particulière installée entre eux place Lou dans un état presque extatique. Le lien timide qui s’était créé lors de la soirée caritative vient de se renforcer, prendre une forme presque tangible. Lou repousse de toutes ses forces les sombres pensées qui pourraient venir perturber ce moment si unique. Entendre Han Bin lui dire merci a quelque chose d’étonnant et pourtant, encore une fois, c’est une parole sensée, scellant un accord tacite.

Lou s’enquit une fois de plus de la vie du jeune homme à New York, elle aime l’entendre parler, sa voix l’apaise tout autant que sa présence à ses côtés. Du moins, elle apaise son âme, car son coeur cabriole. Plus encore lorsque Han Bin glisse un bras autour de son épaule. Une délicieuse sensation fourmille depuis le creux de ses reins dans tout son corps. Elle se sent comme une adolescente timide face à un petit ami entreprenant, grisée par les sensations, trop perturbée pour savoir comment réagir. Si quelqu’un qu’ils connaissent les voit….si cela a le malheur de remonter aux oreilles de Moon Bin ! Et pourtant, elle n‘aimerait échanger sa place pour rien au monde.

De la chaleur qui émane du corps de Han Bin à la douceur de ses doigts qui caressent les siens, Lou est toute chamboulée. Elle a du mal à respirer, mais elle ne se plaint pas, elle espère qu’il ne remarquera rien, elle veut rester lovée contre lui. Elle lève timidement son visage vers le sien, l’écoutant expliquer son parcours à New York. Mais ses pupilles ne cessent de fixer ses lèvres avec envie. Heureusement qu’ils sont dans un lieu public, elle aurait certainement cédé à la tentation sinon. Elle se raccroche aux paroles. Elle l’imagine en babysitter, entouré d’enfant l’attendrit à un point qu’elle n’aurait pas imaginé. Elle est certaine qu’il sera un père exemplaire. L’imaginer vendeur dans un magasin bio la fait sourire. Il a dû faire augmenter la clientèle. Et enfin, en tant qu’architecte... Il évoque aussi la pression parentale, le manque de liberté depuis qu’il est de retour. Lou grimace, désolée pour lui. « Je suis toujours triste de voir des parents aussi...autoritaires. Mais...tu as essayé beaucoup de choses différentes ! Qu’est-ce que tu as préféré ? »

Un nouveau sourire sur les lèvres, elle l’encourage encore à parler. Le serveur arrive avec les commandes, Han Bin rompt leur agréable étreinte, laissant une drôle de sensation de froid à Lou. Elle reste néanmoins aussi près de lui que possible. Il commande des scones à emporter, elle pouffe. « Où tu vas mettre tout ça ? » Le cheesecake est déjà très grand. Elle s’empare de la fourchette et découpe une petite bouchée pour goûter. Savourant le délice sur sa langue, elle jette un regard à Han Bin qui a le nez dans sa tasse fumante. Lorsqu’il en ressort, une fine moustache blanche surmonte sa lèvre supérieure. Lou se remet à rire doucement jusqu’à ce qu’il tourne la tête vers elle, interrogateur.

D’un geste naturel, comme si elle avait toujours agi comme ça avec lui, Lou attrape doucement le visage de Han Bin dans sa paume, essuyant du plat de son pouce la mousse de lait sur ses lèvres. « C’était mignon, mais tu n’es pas encore assez vieux pour porter une moustache blanche. » Elle sourit et enfin réalise ce qu’elle est en train de faire. Elle entend son coeur cogner à ses tempes et retire sa main comme si elle s’était brûlée. « Pardon. » Elle baisse le regard vers ses genoux, sur sa main privée d’alliance. Dans quoi se sont-ils embarqués au juste ?

« Je suis toujours triste de voir des parents aussi...autoritaires. Mais...tu as essayé beaucoup de choses différentes ! Qu’est-ce que tu as préféré ? » « Malheureusement, c’est très commun ici. » Ses épaules se haussent doucement. Surtout dans les bonnes familles à vrai dire. « Le babysitting. Hormis l’architecture, je veux dire. » Il sourit un peu. C’était agréable d’être avec des enfants, de leurs apprendre des choses, faire des cookies avec eux. Il a vraiment apprécier les quelques mois-là en réalité. Ça lui a donné envie de fonder une famille lorsqu’il en serait capable et qu’il se sentirait prêt.

Les commandes arrivent et il réclame des scones. « Où tu vas mettre tout ça ? » « C’est pour toi, tu pourras les manger au petit-déjeuner demain matin, » lance-t-il dans un sourire pendant que le serveur les regarde comme s’ils étaient absolument trop choux. Ils le sont, il faut bien se l’avouer en même temps. Souriant, il la regarde en posant sa tasse, jusqu’à l’entendre rire, lui faisant légèrement pencher la tête sur le côté.

La main de Lou se pose sur son visage, et elle vient lui essuyer la lèvre de son pouce et sa peau si douce. Il en frissonne allègrement, regarde la bouche de la demoiselle avec une envie qui lui tord les entrailles. Son coeur manque un nouveau battement et s’emballe sous ce nouveau touché. « C’était mignon, mais tu n’es pas encore assez vieux pour porter une moustache blanche. » Il reste figé devant elle, puis tousse un peu, les joues rouges au possible. « Pardon. » « Ani… Tu as raison. » Il sourit un peu et attrape une serviette pour essuyer le doigt de la belle anglaise avant de fixer sa part de cheesecake en commençant à manger pour passer ses envies. Non. Il n’est pas gêné. Enfin si un peu. Enfin non. Il se pose surtout milles questions et malgré tout, il a un peu peur de se faire prendre la main dans le sac. Mais normalement, les gens qui connaissent sa famille ne fréquentent pas ce genre de lieu. Il la regarde encore, puis finit par lui sourire à nouveau, se perdant dans son regard un long moment, s’approchant un peu trop d’elle jusqu’à entendre son téléphone sonner et sursauter un peu. Il décroche rapidement. « Oh, Eomoni... » Damn, sa mère, vraiment ? « Demain soir ? Oh ? Jinjja ? » Il prend la main de Lou sous la table pour la tenir en regardant ailleurs. « Hn, arasseo, » fait-il en raccrochant avant de pousser un bref soupir. « Visiblement, demain, dîner en famille et tu es aussi invitée avec Moon Bin. Il t’en a parlé ? » Ses sourcils se front un peu lorsqu’il y pense. Rah, ça va être difficile de l’ignorer toute une soirée…