Jae Won était un garçon comme les autres, il avait des parents aimants et à eux trois, ils formaient une petite famille heureuse. Jae était fils unique et il se plaignait souvent, demandant à ses parents s’il aurait une petite sœur bientôt ou un petit frère, peu lui importait tant qu’il aurait de la compagnie. Ils lui souriaient toujours en lui répondant que ce serait pour bientôt et que même s’il devait attendre un ou deux ans de plus, ce jour arriverait bel et bien. Mais ils demandaient à un enfant hyperactif d’être patient et Jae Won finissait toujours par taper du pied, faire la moue et bouder jusqu’à ce qu’on lui serve de la crème glacée, et que son sourire revienne comme par magie. Jae Won était un enfant de six ans comme les autres, heureux et étincelant, d’un genre qui vous redonnait le sourire par ses gestes tendres et ses mots naïvement maladroits. A l’école, il était l’ami qu’on se disputait pour sa générosité et ses blagues lourdes, mais au moins il rayonnait et ne rejetait personne. Jae Won était un fils unique comblé lorsqu’on lui annonça qu’une petite sœur partagerait bientôt sa chambre et tout allait pour le mieux, aucun nuage à l’horizon. Une vie simple et normale pour une famille toute aussi banale, une parmi d’autres dans les quartiers modestes de Séoul, avec ses hauts et ses bas. Le destin et la malchance se fichaient bien de savoir s’ils touchaient des êtres vils ou braves, s’ils puniraient un mauvais bougre ou détruiraient le bonheur d’un enfant. Jae Won était un enfant heureux, mais un jour ses parents n’arrivèrent jamais à la sortie de l’école et Jae Won troqua son sourire contre le silence.

Un accident de voiture, un jour de pluie et trois vies s’envolèrent en quelques instants, car la petite sœur de Jae n’avait pas encore vu la lumière du jour, à trois semaines d’en avoir la chance. On dût l’expliquer à un enfant de six ans et ce fut difficile, et si la plupart pleuraient et criaient dans ces moments, lui demeura silencieux. On lui parlait, mais il n’écoutait plus vraiment, à des années lumières du poste de police et de la voix rassurante d’un officier. Il délaissa le chocolat chaud, le croissant et ne fit que fixer le mur en attendant qu’on vienne le chercher. Pourquoi ses parents n’arrivaient pas ? On lui réexpliqua pourquoi, mais Jae Won resta dans le déni jusqu’à ce que ses grands-parents n’arrivent et le ramènent chez eux. Bien sûr il savait, il savait que ses parents avaient disparu pour monter au ciel et qu’il ne les reverrait pas… on le lui avait assez répété, mais il avait eu l’espoir, l’infime espoir qu’on se soit trompé et que ce soit eux qui finiraient par passer les portes du commissariat. Il avait pleuré en silence des jours et des semaines durant, plus seul qu’il ne l’avait jamais été et c’était un fait qui l’effrayait bien plus que les soirs d’orage. Ses grands-parents devinrent ses tuteurs légaux et une nouvelle vie l’attendait.

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« Kyaaaaaaah ! Abuji, j’ai réussi à y entrer ! Dans les dents Mr. Kimchi, Yamang m’a accepté ! Je suis … trop fier ? PU-TAIN, faut que j’le dise à Chulie ! »

Après avoir perdu ses parents, Jae Won était devenu un autre garçon, un peu moins rayonnant et un peu plus vaniteux. Il était peut-être devenu un ami qu’on ne se disputait plus vraiment, mais qu’on serait triste de perdre malgré tout. Il avait appris très tôt que la vie était trop courte et qu’il fallait en profiter, ne rien regretter et quitte à faire des trucs un peu fous de temps en temps, pourquoi pas. Pendant treize ans il vécut avec ses grands-parents et il ne les remercierait jamais assez d’avoir accepté de le prendre sous leur garde. Il prenait soin d’eux du mieux qu’il le pouvait, leur allégeant les tâches comme la cuisine ou la vaisselle. Il était même super tendre et câlin avec sa grand-mère, un tout autre garçon que celui qu’il était avec ses amis, mais les deux font partie de lui. Aussi heureux était-il d’avoir été accepté pour entrer en Prépa à Yamang, il était malgré tout un peu triste de laisser sa famille. Il pourrait toujours les voir un weekend sur deux, mais ça lui ferait un sacré changement de vie. Il avait tout fait pour y entrer, ses notes toujours au-dessus de la moyenne même s’il avait des lacunes dans certaines, mais sa motivation et son sérieux avaient payé – alors qu’un de ses profs lui avait si gentiment et avec beaucoup de tact (sentez l’ironie) brisé ses illusions. Pour lui qui n’avait pas les revenus nécessaires pour s’inscrire dans un établissement aussi prisé et exigeant, il avait dû tout miser sur ses notes et il était donc parmi les étudiants boursiers. Il avait eu hâte de rencontrer des camarades aussi passionnés que lui, tout domaine confondu et aujourd'hui après quelques mois, il s'y plaisait vraiment, même si la pression était deux fois plus grande qu'avant.