Je ne peux plus. Psychologiquement, je ne peux plus. Physiquement non plus. Ce n'est même pas que je ne veux pas. Mais ça me coûterait trop. Je ne peux même pas me permettre d'y réfléchir. Evidemment, ça m'est déjà déjà arrivé d'y penser, mais je me suis tout de suite retenu. Je sais comment ça se finit quand on s'attache à quelqu'un. Et là je me suis déjà trop laissé aller. J'aurais dû m'en rendre compte avant, j'aurais probablement moins souffert. A présent je sais que la désintoxication va être difficile. Comme pour toute addiction. Mais c'est nécessaire, même si je vais en chier ma race.

Et puis là, il se met à pleurer. Sincèrement, j'aimerais le prendre dans mes bras. Ça ne ferait pas très naturel, surtout de ma part. Je ne suis pas du genre tactile du tout, mais je n'aime pas le voir souffrir. Mais si je commence à faire ça, je n'arriverais pas à me détacher. Donc non je ne bouge pas, je me contente de le fixer et je me bat intérieurement pour ne pas céder à mes instincts.

Sauf qu'il y a eu ces trois mots. C'est trois mots qu'il n'avait pas voulu dire jusque là. J'étais décidé à tirer un trait sur notre amitié, du moins le temps qu'on perde l'ambiguïté qui s'était installée entre nous. Je ne voulais pas être en couple. Je ne voulais pas avoir de sentiments pour qui que ce soit. Je ne voulais même pas me poser des questions sur le fait d'avoir des sentiments. J'avais réussi à éviter ce problème toute ma vie, alors pourquoi ruiner tous mes efforts juste pour des futilités de ce genre ?

Le problème c'est que non. Il m'aime. Il l'a dit. Et je le connais par coeur donc je sais à quel point ça lui a coûté de le dire. Han Young n'est pas le genre de personne qui parle. C'est encore moins le genre de personne qui parle de lui. Et c'est ENCORE MOINS le genre de personne qui parle de ses sentiments. Donc faire tout ça à la fois, alors qu'il risque de se prendre un vent magistral, ça relève de l'exploit. Il remet tout en doute, ça fout le bordel dans ma tête. Pourquoi ce n'est pas simple ? Pourquoi il me fait ça ? J'ai à nouveau envie de pleurer. Parce que je lutte tellement que ça en devient douloureux et qu'avec ses mots, je ne sais plus ce qui est la bonne chose à faire ou pas.

Finalement il réouvre la bouche et m'explique que même si je n'ai aucun sentiment pour lui, il se contentera de ce que je voudrais, mais qu'il est, d'après ses mots, "stupide" de vouloir m'éloigner. Est-ce que j'ai une once de sentiment pour lui ? Je ne sais pas. De l'affection, oui. De la confiance, oui. De la complicité, oui. Et du désir aussi. Mais pour le reste, je ne peux pas répondre. Je n'y ai jamais pensé. Je n'ai jamais VOULU y penser. Mais sincèrement, je ne sais pas si je pourrais m'en sortir sans lui. J'ai besoin de lui, c'est évident. Et lui, après ce qu'il vient de m'avouer, il ose me dire que ça lui va si on ne reste que sex-friends. Cet abruti est en train de souffrir le martyr à cause de moi et pourtant, il me demande encore de rester, de ne pas le laisser.

Je vais le regretter, je le sais, mais je ne peux pas faire autrement, je n'y arriverai pas.

“Pardon..”
En quelques secondes, j'ai supprimé la distance qui nous séparait et je me suis jeté sur ses lèvres. C'est doux, passionnel, et partiellement empli de frustration. Après quelques secondes, je m'arrache à ses lèvres et baisse les yeux, ne retirant pas mes bras qui l'entourent pour autant.

“D'accord.. Je veux bien essayer.”
Je ne sais pas dans quoi je m'embarque, je m'en rends bien compte. Mais lui ? Est-ce qu'il sait que je suis un débile qui n'a jamais accepté aucune proximité quelconque depuis mon départ de Busan ? Je ne suis pas particulièrement tactile, je n'ai aucune idée de comment exprimer mes sentiments, je ne suis d'ailleurs même pas conscient de si j'en ai ou pas. Mais si c'est ce qu'il veut, si ça lui évite d'être malheureux, je peux essayer.